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Louviers libérée

Allocution de M. François-Xavier PRIOLLAUD

Maire de Louviers
Vice-Président de la Région Normandie

Seul le prononcé fait foi

Monsieur le sénateur,
Madame la vice-présidente du Conseil départemental,
Madame la conseillère régionale,
Monsieur le conseiller départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs représentant les Autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Présidents d’Associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs les Porte-Drapeaux,
Mesdames et Messieurs,

C’était il y a 77 ans, le vendredi 25 août 1944. Au petit matin, après quatre années d’occupation, les Lovériens qui étaient restés découvrent avec soulagement les visages bienveillants des libérateurs américains et canadiens, accueillis en héros dans les rues de Louviers.

C’est une patrouille américaine de reconnaissance qui arrive la première. Elle passe par la rue de l’hôtel de ville et poursuit rapidement sa route. Elle sera suivie par la 4e division blindée canadienne venue de la Haye Malherbe. Dès le lendemain, Louviers libérée sera affectée au secteur britannique de la 15e division écossaise.  Elle accueillera quelques semaines plus tard, le 8 octobre 1944, le Général de Gaulle et son ancien maire, Pierre Mendès-France.

La libération de Louviers, deux mois et demi après le débarquement allié du 6 juin sur nos côtes normandes, met un terme à plus de quatre ans d’occupation allemande. Pas moins de 132 000 soldats alliés débarquèrent et menèrent la Bataille de Normandie – avec les pertes militaires et civiles que l’on sait – et qui fut point de départ de la libération de l’Europe occidentale du joug nazi.

Car depuis juin 1940, notre ville comme tant d’autres, survit sous le joug des nazis qui avaient installé leur Kommandantur dans notre mairie, preuve s’il en fallait que c’en était bien fini de cette drôle de guerre commencée quelques mois plus tôt.

À Louviers, les terribles bombardements de juin 1940 ne laissèrent qu’un champ de ruine. La ville est dévastée et la vie souvent réduite à la clandestinité. La plupart des habitants n’ont eu d’autre choix que de fuir, abandonnant tout derrière eux. Ceux qui sont restés feront tout pour maintenir allumée la flamme de la cité drapière, avec cette conviction que l’Histoire ne pouvait s’arrêter là. Avec la volonté de faire triompher, le moment venu, la liberté.

Commémorer la Libération de Louviers, c’est ainsi rendre hommage aux nombreux Lovériens dont les actions seront rappelées le 26 juin 1949, ce jour où la ville sera décorée de la Croix de Guerre, avec cette mention : « Très durement éprouvée par un bombardement meurtrier en 1940, a participé largement à la lutte contre l’occupant et a eu un de ses quartiers incendié par représailles par les Allemands et dix parmi les plus notables de ses habitants ont été déportés pour leur activité résistante et son morts en déportation ».

Ces Lovériens d’exception, ce sont, notamment, René Espinouse, directeur du centre d’hébergement de l’hôtel du Grand Cerf qui a pris en charge lui-même l’évacuation, à pied, de 84 enfants parisiens hébergés à Louviers. 

C’est Pierre Hébert, habitant au Hamelet, qui paya de sa vie son refus d’abandonner sa maison aux Allemands.

C’est Odette Kuene, résistante, arrêtée par la Gestapo ce matin du 24 janvier 1944 dans sa maison du 9 rue de la Citadelle puis déportée dans le camp de Ravensbrück dont elle ne reviendra jamais. 

C’est aussi le maire de Louviers de l’époque, Auguste Fromentin, élu le 25 mars 1939 par le conseil municipal pour faire fonction de maire en prévision de la mobilisation du maire en place, Pierre Mendès-France. Pendant l’occupation, c’est lui, Auguste Fromentin qui, dans la clandestinité, imprima le « Patriote de l’Eure » et d’innombrables tracts pour les réseaux de résistance.

La libération, à Louviers marqua le retour progressif à une vie presque normale, après ces années passées dans l’obscurité. Ce furent de la joie, des rires, mais aussi des larmes. Le lendemain même de la Libération, le bal organisé Place du Champ de ville est endeuillé par un ultime bombardement tuant six personnes et en blessant plusieurs autres. Nous observerons au cours de cette cérémonie une minute de silence en leur mémoire.

Mesdames et Messieurs,

A l’été 1944, il faut tout reconstruire. Pas seulement des maisons démolies ; pas seulement des écoles et des hôpitaux ; pas seulement de nouvelles institutions. La tâche est immense pour inventer et bâtir ce monde libre pour lequel tant de femmes et d’hommes ont sacrifié leur vie. Ce monde libre dont on sait aujourd’hui combien il est contesté et combien il est vulnérable.

Aussi, en commémorant ce matin la libération de Louviers, je ne peux passer sous silence ce qui se produit en ce moment même en Afghanistan, où la liberté s’effondre à toute vitesse, comme un château de cartes. 20 ans après le 11 septembre, c’est un retour insupportable à la case départ ; une insulte aux dizaines de milliers de familles endeuillées ; un échec absolu de l’occident dont le leadership était jusqu’à présent intimement lié à la promotion de la liberté dans le monde. 

A travers l’Afghanistan, c’est le combat mondial pour la liberté qui se joue sous nos yeux. Soyons à la hauteur de notre Histoire ; ne fuyons pas nos responsabilités ; n’abandonnons pas le peuple afghan.

A travers notre commémoration de ce matin, prenons la hauteur nécessaire pour comprendre qu’il ne doit pas s’agir que d’un récit, aussi important soit-il, de notre passé. Certes, le devoir de mémoire appelle chacune et chacun d’entre nous à ne jamais oublier, mais plus encore, il nous invite à rester fidèles aux valeurs de courage, de paix et de liberté qui ont triomphé de la barbarie nazie. Nous savons combien ces valeurs sont aujourd’hui en péril et que, plus que d’autres en Normandie, nous sommes les dépositaires du monde libre.

Vive la République !
Vive l’Europe !
Vive la France !