Louviers fut libérée
Commémoration du 74ème anniversaire de la Libération de Louviers
Allocution de M. François-Xavier PRIOLLAUD
Maire de Louviers Lundi 19 mars 2018
Seul le prononcé fait foi
Madame la vice-présidente du Conseil départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs représentant les Autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Présidents d’Associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs les Porte-Drapeaux,
Mesdames et Messieurs,
Deux-mois et demi après le Débarquement du 6 juin 1944, les forces alliées entrent à Louviers et libèrent notre ville. Au petit matin du 25 août, il y a tout juste 74 ans, après quatre années d’occupation, les Lovériens restés ici découvrent avec soulagement les visages de nos libérateurs Américains, Canadiens et Britanniques, qu’ils accueillent en héros.
Vous êtes nombreux dans l’assistance à avoir vécu dans votre chair ce moment si singulier de votre histoire personnelle qui a rejoint le livre de la Grande Histoire. Raconter la Libération de Louviers ne saurait se limiter à exposer la chronologie des faits. Si le travail des historiens consiste en effet à expliquer et à analyser avec le recul du temps cette période de notre Histoire, la cérémonie d’aujourd’hui est aussi l’occasion de nous faire toucher du doigt ce qui est indissociable de l’identité, je dirai même de l’âme de Louviers.
En préparant cette allocution, je me suis plongé dans des récits sur cette période et j’ai retrouvé de nombreux témoignages qui, mieux que n’importe quel livre d’Histoire, font œuvre de transmission de la mémoire.
Il en est ainsi de Serge Geoffroy, racontant il y a quelques années à La Dépêche avoir regardé avec ses yeux d’enfant le spectacle de cette centaine d’avions survoler le ciel de Louviers ; et puis la surprise de découvrir « des soldats noirs américains, grands, qui avaient un sourire avec des dents bien blanches et ne parlaient pas français ».
La libération, à Louviers comme ailleurs, ce fut comme un retour à la vie après ces années passées dans l’obscurité. Ce furent de la joie, des rires, mais aussi des larmes. Et plus prosaïquement, pas mal de chewing gum et quelques cigarettes.
Mesdames et Messieurs,
Derrière les anecdotes de l’histoire, recèle une Histoire qui, elle, est tout sauf anecdotique. Et en commémorant le 74e anniversaire de la Libération de Louviers, nous rendons ce matin un triple hommage.
D’abord, un hommage aux Lovériens qui ont fait acte de résistance.
Nombreux furent en effet les Lovériens à ne pas se résigner, agissant depuis 1940 dans la clandestinité pour lutter contre l’occupant, au péril de leur vie. Pendant l’Occupation, les soldats nazis menaçaient la population et pourchassaient les résistants.
Ces Lovériens d’exception, Louviers ne les oubliera jamais.
- Je veux parler, parmi d’autres, de René Espinouse, directeur du centre d’hébergement de l’hôtel du Grand Cerf qui a pris en charge lui-même l’évacuation, à pied, de 84 enfants parisiens hébergés à Louviers.
- Je veux parler de Pierre Hébert, habitant au Hamelet, qui paya de sa vie son refus d’abandonner sa maison aux Allemands. Je veux parler d’Odette Kuene, résistante, arrêtée par la Gestapo ce matin du 24 janvier 1944 dans sa maison du 9 rue de la Citadelle puis déportée dans le camp de Ravensbrück dont elle ne reviendra jamais.
- Je veux enfin parler du maire de Louviers de l’époque, Auguste Fromentin, élu le 25 mars 1939 par le conseil municipal pour faire fonction de maire en prévision de la mobilisation du maire en place, Pierre Mendès-France. Pendant l’occupation, c’est lui, Auguste Fromentin qui, dans la clandestinité, imprime le « Patriote de l’Eure » et d’innombrables tracts pour les réseaux de résistance.
Mesdames et Messieurs,
Nous rendons également ce matin un hommage aux victimes de la Bataille de Normandie.
On parle toujours du Débarquement allié en l’assimilant à la Libération, mais on néglige souvent la Bataille de Normandie qui fut parmi les plus terribles de la seconde guerre mondiale. 85 jours de combats marqués par d’effroyables pertes humaines dans le camp de nos libérateurs et parmi les populations civiles. Près de 20 000 civils normands ont trouvé la mort durant cette période, tandis que 300 000 autres furent sinistrés et sans abri.
À Louviers, le lendemain même de la Libération, le bal organisé Place du Champ de ville est endeuillé par ultime bombardement tuant six personnes et en blessant plusieurs autres.
La Normandie porte toujours les stigmates de ces combats. Si quelques rares villes normandes sont épargnées, comme Bayeux qui fut l’une des toutes premières citées libérées, nombreux sont les villages, les bourgs et les villes partiellement ou totalement détruits par les bombardements et les combats.
Enfin, nous rendons bien sûr hommage à nos libérateurs, Américains, Anglais et Canadiens.
C’est le Débarquement allié en Normandie qui a déjoué le pronostic de l’Histoire en faisant finalement basculer l’Europe occidentale du bon côté. Il a conjugué la liberté avec la fraternité.
L’an prochain, nous célébrons le 75e anniversaire du Débarquement. Le temps faisant son œuvre, les vétérans sont de moins en moins nombreux mais plus que jamais, leur parole est d’or.
La 1ère édition du Forum mondial « Normandie pour la Paix » en juin dernier à Caen a donné lieu à un magnifique échange entre un vétéran et de jeunes Normands à qui il a raconté, minute par minute, avec autant de précision que d’émotion, son débarquement. Rendre hommage à nos libérateurs, ce n’est pas se recueillir, en tout cas ce n’est pas seulement se recueillir.
Rendre véritablement hommage à nos libérateurs doit faire de nous des citoyens engagés pour faire prospérer le destin de liberté qu’ils nous ont légué. C’est toute la philosophie du programme « Normandie pour la Paix » que notre région porte en particulier auprès de la jeunesse. Tout, dans le monde d’aujourd’hui, nous conduit à être pessimiste pour l’avenir. Mais si c’est bien de notre destin dont il s’agit, alors c’est à nous de s’en emparer, comme d’autres l’ont fait hier pour nous.
Ne dilapidons pas l’héritage de nos libérateurs en devenant de simples spectateurs, impuissants, d’un monde qui nous échapperait. Il y a quelques jours, un serviteur inlassable de la paix, Kofi Annan, nous a quittés. L’ancien secrétaire général des Nations-Unies a consacré sa vie à œuvrer au rapprochement des peuples. Il avait pour habitude de dire que « la liberté ne connaît pas de frontières ; il suffit qu’une voix s’élève et appelle à la liberté dans un pays, pour redonner courage à ceux qui sont à l’autre bout du monde ». Et il ajoutait : « Sans un rêve, nous n’irez nulle part ».
Mesdames et Messieurs,
Ce n’est surtout pas le moment de nous résigner. Engageons-nous ; soyons courageux comme d’autres l’ont été avant nous, si nous pensons qu’il est encore temps d’éviter un cauchemar.
N’allons pas nulle part, mais ne nous trompons pas de destination.
Vive la Liberté !
Vive la République !
Vive la France !