Cérémonie du 11 novembre 2019
Allocution de François-Xavier Priollaud
Lundi 11 novembre 2019
Commémoration de l’Armistice du 11 novembre 1918
Seul le prononcé fait foi
Monsieur le Député,
Madame la Vice-présidente du Département,
Monsieur le conseiller départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs représentant les Autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Présidents d’associations patriotiques,
Mesdames et Messieurs les porte-drapeaux,
Messieurs les jeunes sapeurs-pompiers volontaires
Mesdames et Messieurs de l’EPIDE, des Collège Ferdinand Buisson,
du Hamelet et de Saint-Louis,
Mesdames et Messieurs leurs professeurs,
Mesdames et Messieurs,
« La plus monumentale ânerie que le monde ait jamais faite » : c’est par ces mots que le Maréchal Lyautey qualifia le déclenchement de la guerre, à l’été 1914.
Par le jeu des alliances, des intérêts et des déclarations de guerre échelonnées sur trois ans, le conflit va se propager à l’Europe entière, toucher l’Afrique et l’Asie, et, avec la participation des États-Unis d’Amérique en 1917, se transformer en guerre mondiale pour la première fois dans l’Histoire.
65 millions de soldats s’affrontèrent dans ce qu’on appellera la « Grande Guerre » ; elle laisse derrière elle un bilan dramatique : près de 10 millions de morts dont de nombreux civils, et plus 20 millions de blessés dont un grand nombre resteront invalides ou décéderont des suites de leurs blessures.
La France qui comptait alors 40 millions d’habitants, a perdu 1 400 000 militaires et 300 000 civils, auxquels s’ajoutent plus de quatre millions de blessés militaires.
101 ans après l’armistice du 11 novembre 1918 qui marqua la fin du conflit, nous sommes rassemblés ce matin devant notre monument aux morts du square Albert Ier pour rendre hommage aux combattants de la Grande Guerre, qui occupe une place si particulière dans le cœur de chaque Français.
Combattants tombés au champ d’honneur, Poilus survivants de métropole et de l’Empire français, blessés, mutilés et gazés, prisonniers, expulsés, victimes civiles, veuves et orphelins : A travers chacun d’eux, la Première Guerre mondiale a meurtri et endeuillé nombre de familles françaises.
1200 lovériens furent mobilisés et resteront plus de quatre années sous les drapeaux, alors que l’on pensait que la guerre serait courte.
Il est 16h20 ce 1er août 1914, lorsque le maire de l’époque, Raoul Thorel, reçoit le télégramme officiel émanant du ministère de la Guerre. A l’annonce de la mobilisation générale, un roulement de tambour alerte la population ; les Lovériens accourent « le cœur angoissé » comme le relate le journal l’Industriel de Louviers.
Les carnets conservés par les soldats permettent d’en savoir plus sur l’horreur des combats, à l’instar de ce Lovérien qui écrit : « Pendant ces quinze jours où je combattis presque sans interruption, souvent en battant retraite, je vis disparaître bien des camarades. Sur 256, il n’en restait plus que 90 des premiers partants ».
Pendant que les uns sont au front, la vie quotidienne se réorganise à Louviers. La ville participe à l’effort de guerre, notamment à travers l’accueil des réfugiés venus de Belgique ou des départements occupés, la création d’hôpitaux et d’ambulances militaires ou encore le cantonnement de troupes françaises et alliées.
Quand le 11 novembre 1918 l’Armistice est finalement signé, le bruit se répand à toute vitesse dans la ville. Les drapeaux fleurissent de partout comme un air de printemps en plein automne. Les sirènes des usines se font entendre à midi moins dix précisément, relayées par les cloches de Notre-Dame. Les pétards fusent, les cafés se remplissent. Le lendemain, c’est jour de congés pour les administrations et les écoles. C’est un grand moment de fête même si, pour beaucoup de familles, la joie – ou plutôt le soulagement – reste bien sûr mêlés de tristesse et de peine. On dénombre pour la seule commune de Louviers 352 hommes morts au combat.
Se souvenir de ces moments de liesse mais aussi de chagrin, cela fait pleinement partie du devoir de mémoire. Car l’histoire collective nationale est aussi une mosaïque d’histoires personnelles locales.
Mesdames et Messieurs,
Nous commémorons la fin d’un conflit qui s’est terminé il y a désormais plus d’un siècle ; 101 ans exactement. Mais la guerre de 1914-1918, celle qui devait être la « der des der », est véritablement entrée dans nos livres d’Histoire le jour où son dernier survivant, il s’appelait Lazare Ponticelli, nous a quittés ; ce jour où plus aucun poilu n’était là pour nous en parler de vive voix.
La Grande Guerre, loin d’être seulement un conflit armé parmi les plus meurtriers, marque aussi une rupture historique majeure. On dit généralement du 20e siècle qu’il a commencé en 1914. On retiendra aussi probablement que le 21e siècle a commencé un 11 septembre 2001.
Commémorer l’armistice du 11 novembre c’est porter un regard rétrospectif sur le XXe siècle qui aura produit le pire de l’humanité comme le meilleur. D’un côté la barbarie des idéologies destructrices, de l’autre, l’innovation et le progrès dans tous les domaines. D’un côté la lâcheté absolue de l’esprit de Munich et de l’autre l’espoir immense suscité par la construction européenne, le seul exemple d’une union politique fondée sur le droit plutôt que sur la force.
Nous évoquons enfin un temps où le continent européen était au centre du jeu des puissances. Un siècle plus tard, l’Union européenne est chaque jour qui passe un peu plus menacée par les divisions, les plus pessimistes parlent même d’un risque prégnant de dislocation, de disparition pure et simple.
Victor Hugo, qui avait l’idéal européen chevillé au cœur, disait de la guerre qu’elle est « la guerre des hommes » alors que la paix est « la guerre des idées ».
Dans le monde si instable et si menaçant dans lequel nous vivons aujourd’hui, j’ai la conviction que la paix n’est pas une idée rétrograde. Ce n’est pas une idée du passé ; bien au contraire, elle représente plus que jamais un idéal moderne.
Aussi, Mesdames et Messieurs, le devoir de mémoire qui nous réunit aujourd’hui ne doit pas se limiter à un exercice commémoratif répétitif, aussi important soit-il. Le devoir de mémoire, c’est une invitation à l’engagement et à l’action. C’est une invitation à la connaissance et à la réflexion, personnelle et collective. Le devoir de mémoire, c’est un acte de transmission. Et la responsabilité d’une génération qui a eu la chance historique de ne jamais connaître la guerre, c’est de transmettre la paix.
Vive la Paix, Vive l’Europe, Vive la République et Vive la France !
Les médaillés de cette cérémonie
