Journée nationale du Souvenir des Victimes et des Héros de la Déportation 2023
Journée du dimanche 30 avril 2023
Discours de M. François-Xavier PRIOLLAUD
Maire de Louviers, Vice-Président de la Région Normandie
Monsieur le Sous-Préfet,
Monsieur le Conseiller départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs représentant les Autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Présidents d’associations patriotiques,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs,
Nous sommes réunis ce matin en mémoire des victimes et des héros de la déportation. Depuis la loi du 14 avril 1954, le dernier dimanche d’avril est en effet consacré au souvenir des victimes de la déportation et morts dans les camps de concentration du IIIe Reich. J’ai souhaité, depuis mon élection, qu’une commémoration se tienne désormais chaque année à Louviers.
Savez-vous qu’une enquête récente révèle que 21% des Français âgés de 18 à 34 ans n’ont jamais entendu parler de l’Holocauste ? Ils ignorent que la Shoah, ce fut l’extermination systématique par l’Allemagne nazie de près de 6 millions de juifs, deux tiers des juifs d’Europe et environ 40% des juifs du monde lors de la seconde guerre mondiale. Ils savent encore moins que la déportation concerna également des Tsiganes, des résistants, des opposants politiques et des homosexuels.
Au Pays-Bas, une enquête d’opinion de ce début d’année révèle à son tour que près d’un quart des adultes néerlandais de moins de 40 ans estiment que l’Holocauste est un mythe ou a été exagéré. Comme si le temps qui passe venait édulcorer l’horreur de la Shoah.
Longtemps, les rescapés se sont tus. Simone Veil elle-même disait que « la bonne mesure est impossible à trouver : soit on parle trop de sa déportation, soit on en parle trop peu. Nombreux sont ceux qui ont été tellement meurtris qu’ils n’en parlent jamais ».
Il est vrai que tout, dans la déportation appelle d’abord au silence. Le silence parce que les mots manquent pour décrire l’horreur, la barbarie, l’indicible.
Des noms de lieux évoquent en revanche à eux seuls tellement plus que n’importe quel mot de notre vocabulaire : je veux parler, notamment, de Treblinka, Auschwitz, Birkenau, Ravensbrück, Drancy et malheureusement tant d’autres.
L’enfer de la Shoah ce fut ce bruit sourd des convois de wagons à bestiaux ; ces images terrifiantes de Nuit et Brouillard et des films de Claude Lanzmann ; des souffrances inhumaines – la douleur, le froid, la faim, la soif, la séparation – endurées par ces hommes, ces femmes, ces vieillards, ces enfants exterminés et persécutés pour ce qu’ils étaient ; persécutés pour ce qu’ils pensaient ; dépouillés de tout ce qui fondait leur identité.
Rendez-vous compte : les camps de concentration et d’extermination, ce sont les plus grands cimetières au monde et pourtant, on n’y trouve pas une seule tombe. Des millions de morts, et pas une seule tombe.
L’enfer des camps de concentration fera dire à Jorge Semprun, déporté à Buchenwald : « Nous ne sommes pas des rescapés, mais des revenants ». Il est vrai que d’un point de vue sémantique, déporté signifie « être loin de ce qui nous porte, loin de la vie ». Mais peut-on véritablement revenir de ce cauchemar éveillé ? Une partie de vous n’en revient jamais.
Aussi, je veux en ce jour penser ce matin à tous ces revenants, femmes, hommes et enfants qui ont eu le courage et la force de retourner sur la scène du crime pour témoigner et pour transmettre, malgré des cicatrices que même le temps ne refermera jamais.
Je me suis ainsi rendu il y a quelques années à Auschwitz-Birkenau dans le cadre d’un voyage d’études de lycéens et d’apprentis Normands. Nous avions eu le privilège d’être accompagnés par Ginette Kolinka, qui fut déportée dans ce camp à l’âge de 16 ans, au même moment que Simone Veil. Je me souviendrai toujours de ce que m’a dit Ginette Kolinka : « Maintenant que tu es venu ici, tu as l’obligation, à ton tour, de parler ». Je veux qu’aujourd’hui ma parole soit un maillon de cette chaine de la transmission.
Mesdames et Messieurs,
Se souvenir de la déportation revient à nous interroger au plus profond de nous-mêmes car les camps de concentration, qui sont la négation même de l’humanité, ont été voulus, pensés et organisés par des hommes. Les Nazis ont mis toute la puissance de leur imagination au service de leur haine, alors même que la haine n’est qu’une défaite de l’imagination.
Comment éviter que de telles atrocités puissent un jour se reproduire ? Notre rempart le plus solide, c’est notre mémoire.
Nous avons cru au lendemain de la guerre, que le chemin du progrès serait linéaire. Le socle de la construction européenne c’est justement le progrès : démocratique, économique et social, scientifique et culturel. Mais par les temps troublés que nous traversons, le monde et l’Europe en particulier, nous savons combien ce chemin du progrès est semé d’embuches.
Nous avons pourtant une dette à l’égard des héros et des victimes de la déportation. Notre dette c’est de rester les gardiens du progrès. Ce qui s’est construit au lendemain de l’Holocauste n’est pas immuable. Chaque jour qui passe, l’actualité nous montre combien les repères s’effacent petit à petit et combien les digues sont en train de tomber les unes après les autres.
Paul Eluard, poète et résistant, disait à propos des survivants des camps : « si l’écho de leur voix faiblit, nous périrons ». Alors faisons désormais notre leur voix pour que cette Histoire-là ne se répète pas.
Vive la République, Vive la France !
Lecture de M. Nicolas Lebas, Sous Préfet Eure
Message national 2023 des associations
En ce dernier dimanche d’avril, la Nation rend hommage aux victimes et aux
héros de la Déportation que la barbarie nazie, avec la complicité du régime de
Vichy, a jeté par dizaines de milliers dans l’enfer des camps de concentration et
d’extermination en raison de leur résistance à l’occupant, de l’arbitraire des
rafles de répression, de leur appartenance ethnique, de leur confession ou de
leur choix politique.
Cet hommage puise sa force dans l ‘évocation des valeurs portées par les
derniers rescapés des camps et par leurs camarades disparus : le respect des
droits humains, la dignité et la liberté, la tolérance, l’égalité et la fraternité. Ils
ont, pour beaucoup d’entre eux, payé de leur vie leur attachement à la France.
Les survivants se sont résolument engagés dans la construction d’une Europe
unie et pacifique, gage de solidarité entre les peuples.
Le destin tragique des déportés doit interpeller la conscience et la raison de
toutes les générations car le combat n’est pas terminé. En effet, se précisent,
sous nos yeux, les menaces de plus en plus préoccupantes des totalitarismes
de toute nature, du fanatisme religieux, du nationalisme et de la xénophobie, du
racisme et de l’antisémitisme, de la remise en cause de plus en plus
systématique des principes de la démocratie.
L’actualité nous le rappelle cruellement : les forces destructrices des dictatures
s’attaquent à la souveraineté et à la liberté des peuples dans le monde. Sur
notre continent, le martyre actuel du peuple ukrainien, dont le patriotisme et la
résistance héroïque à l’agresseur forcent le respect, doit nous inciter à faire
preuve d’une vigilance accrue. Tous les efforts doivent tendre à l’instauration
d’une paix juste et durable pour tous les peuples comme l’avaient espéré les
déportés à leur libération.
Les hommes et les femmes qui, dans les camps de la mort, ont fait de la
dignité et de la solidarité un combat quotidien pour survivre à un système
organisé de négation de la personne humaine, nous montrent, par leur
exemple, la voie à suivre, celle de la résistance et du combat permanent pour la
Liberté.
Ce Message a été rédigé conjointement par :
La Fédération Nationale des Déportés, Internés, Résistants et Patriotes (FNDIRP),
La Fondation pour la Mémoire de la Déportation (FMD) et les Associations de mémoire des camps nazis,
L’Union Nationale des Associations de Déportés et Internés de la Résistance et Familles (UNADIF – FNDIR)