Retour

Cérémonie commémorative du 8 mai

Cérémonie commémorative du 8 mai 1945

Allocution de M. François-Xavier PRIOLLAUD

Maire de Louviers Mercredi 8 mai 2019

Seul le prononcé fait foi

***

Madame la Vice-Présidente du Département de l’Eure,
Monsieur le Conseiller départemental,
Mesdames et Messieurs les élus,
Mesdames et Messieurs représentant les Autorités civiles et militaires,
Madame et Messieurs les Présidents d’associations patriotiques,
Madame et Messieurs les porte-drapeaux,
Mesdames et Messieurs,

« La guerre commence infiniment mal. Il faut donc qu’elle continue ». Ces mots du Général de Gaulle dans ses Mémoires de Guerre résonnent avec une force absolue quand on connaît la suite et la fin de l’Histoire.

Il a fallu continuer la guerre, pour que le bien triomphe sur le mal.
Il a fallu continuer la guerre pour le l’humanité reprenne ses droits sur la barbarie nazie.
Il a fallu continuer la guerre pour que la raison l’emporte sur la folie dévastatrice.
Il a fallu continuer la guerre pour que la paix redevienne possible.
Il a fallu continuer la guerre pour arracher, ce 8 mai 1945, au prix de millions de morts et de blessés, la capitulation de l’Allemagne nazie.

La deuxième guerre mondiale a porté une tache indélébile à l’Humanité. Non seulement il s’agit du conflit le plus meurtrier de l’Histoire, avec plus de 60 millions de morts – soit 2,5% de la population mondiale dont 35 millions de civils – mais avec cette guerre, l’infranchissable a été franchi en révélant le pire dont l’espèce humaine pouvait être capable. L’industrialisation de la mort, l’extermination, l’exécution des effroyables promesses d’un système totalitaire pensé par des Hommes pour anéantir l’essence même de ce qui fait de nous des êtres humains, je veux parler de nos différences.

Pose de gerbe des officiels

C’était il y a 74 ans. Depuis près de trois quart de siècle, l’Europe vit dans ce qu’on appelle « l’après-guerre ». En 2019, vivons-nous encore dans cet « après-guerre » ou sommes-nous en train d’en sortir ? Quel est le prochain chapitre ? Qu’allons-nous transmettre aux générations futures ?

Le temps s’écoule, mais le souvenir doit demeurer. Je participais il y a quelques jours à un échange avec des lycéens normands autour du Débarquement allié, sur notre terre de Normandie, qui annonça le début de la Libération de l’Europe occidentale. Les lycéens étaient invités à répondre à la question suivante : « Se souvenir est-il nécessaire à la paix » ?

Probablement, le souvenir à lui seul n’est pas suffisant à préserver la paix. Mais il est en tout état de cause un préalable.

Et nous sommes justement aujourd’hui réunis, ici devant ce monument aux morts du Square Albert Ier, pour partager ensemble, rassemblés, un temps important de recueillement en mémoire de ces millions de femmes et d’hommes fauchés dans leur vie, de ces enfants devenus des adultes trop vite, de ces êtres humains anéantis dans les camps d’extermination, martyrisés, torturés dans les caves de la Gestapo, mutilés, fusillés, assassinés.

Pensons aujourd’hui à tous ceux qui, partis, ne sont jamais revenus. Pensons à ces Lovériens qui ont payé du prix de leur vie un comportement héroïque. Je veux parler, parmi d’autres, de cet homme de 80 ans, Pierre Hébert, qui s’était juré que les Allemands n’entreraient pas chez lui. Il a abattu avec son fusil de chasse un sous-officier allemand qui se présenta chez lui. En représailles, les Allemands incendièrent 60 maisons du Hamelet et fusillèrent Pierre Hébert.

Portes drapeaux

Mesdames et Messieurs,

Parce que « Dans toutes les larmes s’attarde un espoir », comme l’a si bien dit Simone de Beauvoir, la guerre a fait naître un immense espoir ; un espoir de reconstruction et de paix.

Au-delà de la reconstruction des villes détruites, à l’instar de Louviers, il y eut aussi la reconstruction d’une France libre, unie, solidaire et rassemblée. Cela ne s’est pas fait en un jour. L’acquis de l’après-guerre, nous en sommes les dépositaires.

Par ces temps de troubles sociaux inédits, et alors que tout est sujet ou prétexte à nous diviser, faisons attention à ne pas faire passer par pertes et profits ce que nous avons mis des décennies à reconstruire.

Sachons nous adapter, mais veillons aussi à préserver notre unité, en lui donnant les moyens et toutes les chances de s’accomplir. Le débat et le pluralisme des idées et des positions sont le creuset de la démocratie. Mais la division et la violence sont le poison d’un projet collectif qui doit nous rendre plus fort.

Aussi, je veux insister ce matin sur le sens de nos commémorations. Les cérémonies patriotiques ne peuvent plus se limiter à des moments seulement protocolaires avec des dépôts de gerbe et des remises de décorations. Non pas qu’il ne faille pas le faire, car cela exprime une solennité qui est la moindre des choses que la Nation tout entière doit à celles et ceux qui ont rendu possible notre liberté d’aujourd’hui. Depuis que j’occupe la fonction de Maire de Louviers, j’ai toujours veillé, à de très rares exceptions près, à participer personnellement à chacune de nos cérémonies patriotiques. C’est un engagement personnel très important que je tiens à honorer. Et vous me permettrez de remercier très chaleureusement Jean-Pierre Duvéré et l’ensemble des associations d’anciens combattants qui font vivre cette culture du souvenir et permettent sa transmission.

Et c’est là tout l’enjeu pour le futur. Je veux parler de la transmission de la mémoire ; cette mémoire que nous devons utiliser comme une arme de paix.

À la fin du mois, 500 millions d’Européens ont un rendez-vous démocratique commun avec les élections au Parlement européen. Or commémorer le 8 mai n’a de sens qu’à condition de ne pas être uniquement un héritage – le souvenir de la guerre – mais aussi d’être une promesse, celle de la paix et j’ajouterais du progrès.

Quelles que soient les convictions de chacun, jamais des élections européennes n’auront été aussi cruciales pour l’avenir de l’Europe. À l’heure du Brexit et d’un délitement sans précédent de l’esprit européen, l’« union sans cesse plus étroite » entre les peuples d’Europe ressemble de plus en plus à un idéal orphelin des Pères fondateurs. Une à une, les étoiles de l’Europe sont en train de s’éteindre.

Par ces temps troublés, ne laissons pas l’essentiel nous échapper. Par ces temps troublés, ne nous trompons pas de résistance.

Aussi, la meilleure façon d’honorer la mémoire d’une génération sacrifiée, c’est de guider nos actions à la lumière d’un passé que nous ne voulons pas voir se reproduire. C’est cela qu’on appelle le devoir de mémoire. Pas une mémoire passive, mais bel et bien une mémoire active, une mémoire intelligente qui nous redonne enfin confiance dans l’avenir.

Aussi, comme l’a si bien écrit Shakespeare dans Otello, formons le vœu que la fatalité, « l’excuse des âmes sans volonté » ne passera pas par nous.

Vive l’Europe, vive la République et Vive la France !

Harmonie municipale